Prudence aux douanes américaines : comment voyager aux États-Unis (si vous n’avez pas le choix d'y aller)
Vous êtes chercheur, journaliste, ou tout simplement une personne qui transporte des données sensibles? Sachez-le : franchir la frontière américaine n’est plus une formalité anodine.
En mars 2025, l’Université de Montréal a lancé un avertissement officiel à ses chercheurs : faites preuve d’une extrême prudence lors de vos déplacements aux États-Unis.
Pourquoi? Parce que de plus en plus d’exemples montrent que les autorités douanières américaines peuvent fouiller vos appareils électroniques, et ce, sans mandat. Ordinateurs portables, téléphones intelligents, clés USB… tout ce que vous transportez peut-être inspecté, copié, voire confisqué!
Contrairement à ce qu’on pourrait croire, les protections habituelles de la vie privée ne s’appliquent pas de la même façon aux frontières américaines. Aux douanes, le quatrième amendement, qui protège contre les fouilles abusives, ne vous protège pas comme sur le sol américain. (voir “The Fourth Amendment and the Border Exception”). Les douaniers ont donc toute la latitude pour demander vos mots de passe, ouvrir vos fichiers, ou simplement garder vos appareils.
Border searches “are reasonable simply by virtue of the fact that they occur at the border.”
L’Université de Montréal (à noter, d’autres universités Canadiennes ont également publié ce genre d’avertissement à leur communauté) s’inquiète donc pour ses chercheurs qui transportent des travaux confidentiels: résultats de recherche non publiés, communications sensibles, ou données personnelles de participants à des études.
Mais ces conseils s’appliquent aussi à vous… que vous soyez journaliste, avocat, militant, ou simplement quelqu’un qui a des informations privées dans ses appareils électroniques (ou une opinion publique très forte sur un certain président controversé ou un enjeu mineur avec votre visa).
Alors, comment se protéger?
D’abord, l’idéal… serait de ne pas voyager avec ses appareils personnels (ou ne pas voyager aux États-Unis du tout, entre nous!)
Si vous n’avez vraiment pas le choix d’aller aux États-Unis, ça peut être une bonne idée de préparer un “burner phone”, soit un téléphone temporaire contenant uniquement l’essentiel. Idem pour votre ordinateur : empruntez-en un propre, configuré juste pour ce voyage. Pas de comptes personnels, pas d’accès à vos courriels, vos fichiers cloud, ou vos réseaux sociaux.
Ensuite, évitez le déverrouillage biométrique. Pourquoi? Parce que si vous pouvez être forcé de montrer votre visage ou d’utiliser votre empreinte digitale contre votre gré, vous ne pouvez toutefois pas être légalement forcé de donner un mot de passe. Donc : pas de Face ID, pas de Touch ID. Activez plutôt un code d’accès fort - c’est-à-dire un NIP à plus de 6 chiffres, au minimum. Le plus long, le mieux c’est!
Avant de partir, prenez le soin de vous déconnectez de vos comptes personnels. Google, Apple, Dropbox, Signal… fermez toutes les sessions. Et chiffrez vos ordinateurs : activez le chiffrement complet du disque, que ce soit sur Mac ou PC. Cela protège vos données si votre appareil est saisi. (Vous pouvez aussi chiffrer vos téléphones).
Une autre bonne pratique : utilisez le "mode voyage" offert par certains gestionnaires de mots de passe, comme 1Password. Ce mode permet de supprimer temporairement les accès à certains comptes pendant le passage aux douanes, puis de les réactiver une fois arrivé à destination.
Enfin, souvenez-vous que vos droits sont limités à la frontière américaine. Être coopératif ne veut pas dire être naïf. Si on vous questionne, restez calme. Vous avez le droit de dire que vous préférez ne pas discuter de vos recherches ou de vos opinions politiques. Mais si on vous ordonne de remettre votre appareil, vous n’avez généralement pas de recours sur place. Bref, une bonne hygiène numérique et une préparation adéquate sont un must pour protéger vos données sensibles dans ce contexte.
Si vous n’avez pas le choix de visiter nos voisins du Sud, faites-le en toute connaissance de cause. Préparez-vous, limitez ce que vous transportez, et considérez que tout ce qui est sur vos appareils pourrait être vu, copié ou utilisé contre vous.
Voyager léger, c’est bien, mais voyager numériquement léger, aujourd’hui, c’est devenu essentiel.
et de Cyber CitoyenPlus de ressources :
Un guide par Wired pour protégé sa vie privée aux douanes